Société

Betamax et la vendetta politique des Jugnauth


Rédigé par E. Moris le Lundi 14 Juin 2021



Retour sur cette saga politico-judicaire. Le gouvernement mauricien, mettant du temps à dédommager Betamax pour avoir mis fin à un contrat de 15 ans pour le transport de produits pétroliers depuis l’Inde de manière unilatérale, la société avait saisi la justice indienne. La STC, condamné par le tribunal d'arbitrage de Singapour dans un ordre exécutoire final, à verser 115 millions de dollars à Betamax - se défendant comme un beau diable -sans succès- pour ne pas payer cette somme.

C'est sur cet ordre exécutoire finale que Betamax a porté à travers ses avocats à la Haute Cour de Karnataka en Inde, cour de justice ayant juridiction sur le port d'où sont embarqués les produits pétroliers de la Mangalore Refinery & Petrochemicald Ltd vers l'île Maurice. Étienne Sinatambou, ancien porte parole du gouvernement -qui se focalise depuis son éviction du gouvernement sur ses contrats de notaire- , avait estimé que, "le gouvernement avait raison de contester le contrat !" Et d'affirmer que Betamax disposait d’ "un contrat de mercenaire sous un gouvernement mercenaire". "

Veekram Bhunjun, de son côté avait annoncé la couleur : "le contribuable paiera cher l’entêtement de la State Trading Corporation. Nous évoluons dans ce secteur depuis de nombreuses années".

L’Etat avait été condamné à payer plus de Rs 4,5 milliards, incluant les intérêts pour les deux ans depuis la résiliation du contrat, à Betamax pour rupture abusive de contrat dans le cadre de l’approvisionnement de produits pétroliers de l’Inde vers Maurice. La plus grosse pénalité infligée à ce jour à l’État.  

Rappel des faits

Décembre 2014 - le contrat de Betamax avait été un important thème de la campagne de l’Alliance Lepep pour les élections générales. Le 30 janvier 2015, le contrat d’une valeur estimée à Rs 10 milliards est résilié entre Betamax et la State Trading Corporation (STC). Contrat qui permettait à Betamax d’assurer l’approvisionnement en carburant sur 15 ans grâce à son pétrolier, le MT Red Eagle. 

Roshi Bhadain, alors ministre de la Bonne gouvernance et des services financiers devait déclarer que : "Après un travail approfondi et après avoir obtenu un avis légal, nous avons découvert qu’il y avait maldonne." Selon lui, "le gouvernement dirigé par Navin Ramgoolam aurait favorisé Betamax Ltd, en émettant un appel d’offres taillé sur mesure."Des conditions inhabituelles, exorbitantes, arbitraires, jamais entendues sur le marché du commerce et contraires aux pratiques du marché."

Suite à l’avis légal de différents spécialistes, le gouvernement avait décidé de ne pas continuer avec "un contrat malhonnête."

Cinq personnes, à savoir Navin Ramgoolam, ancien Premier ministre, Anil Baichoo, ancien ministre des Infrastructures publiques et du Transport, Veekram Bhunjun CEO de Betamax, Reshad Hosany, ancien secrétaire permanent du ministère du Business, Ranjit Singh Soomarooah, ancien directeur général de la STC et Kalindee Bhanji, ex-secrétaire permanent du ministère du Business, seront arrêtés et provisoirement accusés de divers délits. 

Veekram Bhunjun a obtenu un non-lieu. D'ailleurs chacun sera blanchi et les charges sur les accusations provisoires, rayées une par une.

En avril 2016, le directeur de Betamax porte l’affaire devant la SIAC, le Singapore International Arbitration Center (SIAC) sur la résiliation de son contrat par le gouvernement Lepep. Face à cette énième déculottée, tous les ex du gouvernement se sont dédouanés. Xavier Duval en tête : "Je les avais suppliés de ne pas résilier ce contrat". "Je suis horrifié par cet ordre de la cour qui veut que le gouvernement devra payer plus de Rs 4,3 milliards de dommages à Betamax. J’avais supplié mes anciens collègues de ne pas aller dans cette direction, surtout après l’avis contraire donné par le State Law Office. L’Attorney-General Ravi Yerrigadoo, le ministre du Commerce Ashit Gungah, l’ancien Premier ministre sir Anerood Jugnauth ainsi que l’actuel chef du gouvernement Pravind Jugnauth, doivent tous porter la responsabilité de cette décision. Mais on doutait de ma bonne foi à ce sujet quand j’étais dans ce gouvernement." 

Sir Aneerood Jugnauth était revenu sur l’affaire Betamax au parlement le 12 juin 2017.

Selon feu, l'ancien ministre mentor, le gouvernement a agi dans l’intérêt de la population en résiliant le contrat de Betamax. «La décision a été prise collectivement, avec Xavier Luc Duval qui était au gouvernement».

SAJ sur l’affaire Betamax: «S’il faut payer, on le fera»

Pourtant Xavier Duval l’affirme. Il a tout fait pour empêcher que le Conseil des ministres ne résilie le contrat de Betamax. Cela, explique l’ancien Deputy Prime minister de l’Alliance Lepep, parce que l’avis du Solicitor General était clair. Celui-ci aurait prévenu le gouvernement que le contrat était en «béton». Face à une obligation de payer un peu plus de Rs 4 milliards de dédommagements à Veekram Bhunjun, Xavier Duval pense que la State Trading Corporation devra puiser dans ses réserves pour obéir à la décision du tribunal arbitral de Singapour. Une somme, se désole le chef du PMSD, qui sera finalement payée par le contribuable et les consommateurs.

La STC, donc l’État, doit payer Rs 4,5 milliards à Betamax

Pour Navin Ramgoolam, l’attribution du contrat de transport de carburants à Betamax s’est fait dans la légalité. Cela, après avoir obtenu des conseils sur la faisabilité économique et stratégique d’un tel choix. Affirmant qu’il n’a «rien à se reprocher» après la décision de la Cour suprême à ce sujet, le leader du Parti travailliste met au défi le gouvernement de communiquer les économies que celui-ci dit avoir réalisées après l’annulation du contrat liant Betamax à la State Trading Corporation. Réagissant aux propos durs de Maneesh Gobin à son égard, Ramgoolam contre-attaque. Traitant au passage l’Attorney General de «bouffon» car il dévalue le poste en lui donnant une coloration politique.

«Nous n’avons rien à nous reprocher… Les procédures légales ont été respectées et le contrat a été fait dans les règles.»

L'ancien Premier ministre dément que l’avis du State Law office n’a pas été cherché et dément également que l’accord ait été signé sans même que la firme consultante BDO/DCDM ait complété son rapport commandité par un comité ministériel qui était présidé par Xavier-Luc Duval. L'ancien Premier ministre, Navin Ramgoolam, avait été arrêté dans cette affaire pour la cinquième fois en l'espace de quelques mois, avec l'affaire Betamax, sous deux chefs d'inculpation (trafic d’influence et entente délictueuse).

Rappelons que le contrat liant l’État à Betamax a été signé alors que Navin Ramgoolam était au pouvoir. De plus, la famille Bhunjun est connue pour être proche du leader du PTr et une des fille Bhunjun est l’épouse de Rajesh Jeetah, qui était ministre lorsque le contrat avait été signé.

Lundi 14 Juin 2021