Alain Jeannot

[Vidéo] Hommage à Adolphe De Plevitz, défenseur des travailleurs engagés


Rédigé par Alain Jeannot le Samedi 3 Novembre 2018

Alain jeannot, le président de l’association Prévention routière avant tout (PRAT) a fait de la sécurité routière son cheval de bataille. Amoureux et passionné d'histoire, il nous livre à travers ses vidéo, son regard sur des sites ou des personnages historiques.



Né en 1837 en France d'une famille originaire de Westphalie, de Plevitz arrive à Maurice en septembre 1858, à l'âge de 21 ans, après avoir été soldat en Afrique dans l'armée britannique.

D’abord employé au département des bois et forêts, il devient planteur en administrant une petite propriété sucrière située à Nouvelle Découverte.

Il épousa la fille du propriétaire, François Rivet en 1860 et entre ainsi dans une famille famille créole.

De Plevitz découvre les dures conditions dans lesquelles vivent les laboureurs indiens et se révolte contre le système oppressif de l'engagement. Il va défendre les Indiens injustement accusés devant les tribunaux.

Par la suite, sous le pseudonyme de "Ramdin", il écrit une lettre au Daily news, pour dénoncer les conditions de vie des immigrés indiens.

En avril et mai 1871, il rédige une pétition concernant les principaux griefs des immigrants. De Plevitz recueille 9000 signatures Il est soutenu par Rajarethnum Modeliar, professeur au Collège Royal en 1872 qui se passionne pour améliorer les laboureurs des sucreries. Le  document est présenté au gouverneur Gordon en juin1867.

La pétition dénonce le traitement des immigrants qui sont dépourvus de  liberté.

De Plevitz rédige en août un pamphlet faisant état de  la situation des laboureurs indiens. Il envoie ce texte à la reine Victoria, à l'anti-slavery movement et au gouvernement indien. Le gouverneur Gordon écrit au secrétaire d'État qui transmet cette pétition à la commission qu'il a nommée pour enquêter sur la police.

Une partie de la presse s'attaque a de Plevitz et réclame son expulsion et veut le poursuivre pour diffamation. Le Progrès colonial se déchaîne contre le "Boche" En octobre 1871, un dénommé Jules Lavoquer, l'agresse avec un bâton devant le théâtre municipal. De Plevitz fut blessé et pour le procès qui s'ensuit contre Jules Lavoquer, aucun avocat n'accepte de représenter de Plevitz. Son agresseur s'en sort avec une petite amende.

Une pétition de 950 signatures réclame l'expulsion d'Adolphe de Plevitz pour trouble à l'ordre public, mais Gordon refuse.

La chambre d'agriculture demande toutefois alors que soit instituée une commission d'enquête afin de faire un rapport sur le sort des laboureurs employés à la culture sucrière dans la colonie.

À Londres, le gouvernement nomme une commission royale. Les deux commissaires débarquent à Port-Louis en avril 1872 et vont enquêter pendant plus d’un an. Ces enquêtes vont susciter la colère et la hargne des planteurs et de la presse partisane qui ne défend que leurs intérêts.

Devant la commission, De Plevitz est le premier témoin. Il expose les souffrances des immigrants indiens et cite plusieurs exemples pour étayer ces accusations.

Par la suite, de Plevitz assiste aux travaux de la commission à titre de "représentant" des immigrants. Les commissaires visitent les asiles, les prisons, les dépôts pour migrants, et les administrateurs de propriété sucrière.

Soixante-trois témoins sont appelés à témoigner. La déposition du docteur Desjardins, inspecteur médical du gouvernement, va arrive à convaincre la commission. Celui-ci dénonce l'absence de soins médicaux adéquats pour les Indiens dans bien des endroits .

 En 1875, le "Report of the Royal Commission to enquire into the treatment of immigrants in Mauritius" arrive à Maurice. C’est une condamnation adéquate du système d'engagement et des conditions de vie des laboureurs ! La commission reconnaît la justesse de la plupart des revendications des laboureurs indiens et des allégations de Plevitz. Elle déplore également les logements insalubres, l'arbitraire du cadre de travail, la malnutrition, les mauvais soins médicaux, … Elle note également l'absence quasi-totale d'écoles pour les enfants des immigrants.

Ces conclusions vont bien sur attirer une forte opposition de la part des planteurs qui s’agrippent à ce système très avantageux pour eux. Il faudra attendre 1878 pour une nouvelle loi du travail.

La principale disposition de cette loi stipulait un renforcement des pouvoirs du protecteur qui était autorisé à visiter les propriétés sucrières pour prendre connaissance des doléances des travailleurs. Cette loi sera appliquée jusqu'en 1922 et donnera de bons résultats concernant le traitement moins inhumain des engagés.

Les Indiens deviennent des citoyens mauriciens à part entière.
 

Adolphe  de Plevitz ne profita nullement de son succès. Abandonné par le peuple, ruiné par le passage d'un cyclone en 1874, harcelé par ses adversaires et surtout  blessé par l'indifférence totale des immigrants à son égard, il songe à s'exiler. N’ayant plus les moyens de payer son départ,  une souscription est organisée par son ami Rajaruthnam dans la communauté Indienne.

Il quitte Maurice en avril 1876 avec son fils Richard, pour les Îles Fidji où il rejoint Gordon, nommé comme premier gouverneur du pays .En septembre 1882, il revient à Maurice pour apprendre le décès de son épouse en février de la même année. Il repart alors pour Fidji avec ces trois plus jeunes filles et entre au service de l'Administration avant de redevenir planteur.

Il va subir d'autres infortunes. Après s'être remarié et eu un autre fils, de Plevitz est forcé de quitter Fidji au bout de douze ans et part s'installer en Nouvelle Calédonie, à Gomen, au nord-ouest de l'île où il a un travail dans les mines de nickel.

Après deux ans il déménage  de nouveau et se rend a Sydney à la demande de sa femme. L'infatigable de Plevitz va finalement s'installer aux Nouvelles Hébrides. Il meurt en mer en 1893 et est enterré sur l'île de Valua.

Le saviez-vous ?

La rue Desforges. Actuellement, elle porte le nom de Sir S. Ramgoolam, Premier Ministre de 1968 à 1982. Les Port Louisiens et autres mauriciens continent de l’appeler “Rue Desforges”. Pendant la révolution française de 1789 elle était connue sous le nom rue de Paris. Mais pendant un certain temps, elle fut baptisée rue Adolphe de Plevitz par une jeune équipe municipale progressiste.

Adolphe de Plevitz habitait une somptueuse villa située à l’angle des rues SSR et Emmanuel Anquetil (Rue Larampe). Il y a plusieurs collèges nommés de Plevitz a Maurice et des rues dont celle de Montagne Longue.

Références: De Plevitz, Loretta (2010) Arthur Hamilton Gordon and Adolphe de Plevitz: ambitions for Indian labour in colonial Mauritius and Fiji. Queensland History Journal, 21(3), pp. 181-196. Loretta de Plevitz, Restless Energy. A biography of Adolphe de Plevitz, Moka, Mahatma gandhi Institute, 1987 K. Hazareesingh, Histoire des Indiens à l'île Maurice, Paris, Librairie d'Amérique et d'Orient, 1973,

 J. Addison & K. Hazareesingh, A new history of Mauritius revised edition, Edition de l'océan Indien, 1993, p. 62.

Source: Stelio félix.


Samedi 3 Novembre 2018