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Société

SAJ était « pragmatique et impitoyable » : l’hommage contrasté des Mauriciens


Rédigé par E. Moris le Vendredi 4 Juin 2021



L’ancien président de la République, diminué par l'âge avec plusieurs ennuis de santé, avait vu sa vie radicalement changer. L’hiver vient à peine de commencer, et c'est ce jour-là, au début de cet étrange hiver, que Sir Anerood Jugnauth nous a quittés, laissant une famille en deuil et des milliers de partisans affligés dans une immense tristesse.

Il s’est éteint, hier, le jeudi 3 mai, et depuis, politiques ou citoyens anonymes, les Mauriciens rendent quasi unanimement hommage à l’ancien homme politique, saluant l'homme de convictions et sa contribution au pays avec un air de nostalgie des années 80. Les nécrologies préparés à l'avance, font état d'un homme élevé au même titre qu'une légende. Alors que toute raison gardée, l'autopsie politique se mure dans une certaine pudeur afin de ne pas froisser les esprits chagrins.

Dans le crépuscule qui tombe peu à peu sur sa résidence familiale à La Caverne, la foule avance lentement, bravant le temps pluvieux. 

C’est ainsi : les personnages politiques qui meurent emportent souvent un peu de notre vie avec eux, et ceux qui sont là, patientant en file indienne, viennent autant rendre hommage à l’ancien chef du gouvernement que se souvenir qu’il a accompagné un morceau de leur propre existence.

Alors que la rumeur d’une aggravation de son état de santé courait depuis plusieurs jours, l'annonce de son décès, a engloutit toute l'actualité.

Sur toutes les chaînes de télévision, toutes les radios, et les réseaux sociaux, plus rien n’existe. Tout le monde souhaite témoigner de son attachement ou pas au défunt avec moults souvenirs ou anecdotes. Ce décès ne ressemble pas tout à fait à celui de ces prédécesseurs. Raison sanitaire oblige, les démonstrations de foule sont moindres dans les rues. Sir Seewoosagur Ramgoolam avait disparu comme un monument qui s’effondre. Gaëtan Duval par surprise, avec un hommage populaire inégalé à ce jour.

Il faut aussi avoir le courage de le dire au-delà de toute démagogie et malhonnêteté intellectuelle, le jour de l'annonce du décès de SAJ et les jours précédents, une partie du pays était divisée le sachant pourtant vers son dernier voyage.

Culte de la personnalité et propagande. La plupart des titres de presse et des gratte-papiers du dimanche ont loué le charisme de l’ex-président, tout en dressant un inventaire dithyrambique de son héritage politique. Oubliant au passage, de souligner que la presse a été malmenée sous son règne et des journalistes jetés en prison. C'est la fameuse gomme magique de la mémoire. Toujours les mêmes, qui ont fait le choix également de le décrire comme sénile dans ses vieux jours, pour justifier ses nombreux dérapages verbales. Oubliant de souligner qu'il était assez vif d'esprit pour retirer son argent avant la fermeture d'une banque. Pas si couillon le bougre !

Les Mauriciens sont mitigés et on mesure mieux l'étonnante impopularité de SAJ auprès de la génération 2.0.

La révolution numérique est passée par là. Si ses grandes décisions sur le plan international, comme son plaidoyer pour les Chagos est gravé dans les mémoires, son surnom de « Rambo » s'est effrité pour laisser la place à des réflexions désobligeantes.

L'hommage au « père du miracle économique » semble usurper après sa décision de perpétuer sa dynastie en menant son propre fils au pouvoir.

«Bolom » incarne le népotisme, avec un retour sur la scène politique sous l'air de «Viré Mam». Une partie des Mauriciens n’est pas tendre au sujet de son legs politique. Le parti fondateur, le MSM, entaché par la corruption et les scandales, fait office de tremplin pour les opportunistes.

Après plus d'un demi-siècle au pouvoir, il avait bâti sa réputation comme un conquérant. En nous léguant son fils, il n’a laissé Maurice ni plus unie, ni plus riche, ni plus influente dans le monde.

Historiquement, sa carrière politique a été ternie par des scandales de famille. Ses deux enfants ont traîné le nom du patriarche devant les cours de justice mauriciennes et britanniques. L'affaire Medpoint et les terrains mal acquis de Angus Road ont laissé des séquelles. Sa belle-fille Kobita, considérée comme le chef de Lakwisin, a fait chuter son fils dans l'opinion publique.

Enfin, il faut pourtant le reconnaître, SAJ a beaucoup joué sur la force du communalisme. Ses anciens colistiers, plus timides aujourd'hui ont été complices de certaines bagarres raciales. Mais est-ce l'heure de faire le bilan d'une carrière politique ou donner le temps aux journalistes de se ressaisir pour faire le portrait le plus honnête possible sans tomber dans l'émotion ? Les jours à venir seront intéressants à observer...

Vendredi 4 Juin 2021

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