Menu

Société

Pierrot Dupuy à Maurice : Quand je me regarde, je me désole, quand je me compare…


Rédigé par E. Moris le Lundi 5 Septembre 2022



Notre visite à Maurice a été très courte et très remplie.

Arrivés par le premier vol d’Air Austral du matin, nous avons immédiatement rencontré l’ancienne présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim, qui avait été évincée à la suite de la publication d’une lettre anonyme dont il est aujourd’hui prouvé qu’elle émanait d’un proche de l’actuel Premier ministre, Pravind Jugnauth.

Dans la foulée, nous avons rencontré l’ancien Premier ministre Navin Rangoolam, puis Arvin Boolell, chef de file du Parti travailliste. Et le soir, nous avons fini cette première journée très studieuse par une rencontre avec l'avocat Rama Valayden et Roshi Bhadain, leader du Reform Party.

Le lendemain, très tôt nous avons rencontré deux journalistes du journal L’Express qui nous ont raconté les difficultés d’être journaliste aujourd’hui à l’ile Maurice. 

Puis, nous avons interviewé Xavier-Luc Duval, le leader de l’opposition, avant de rendre une visite, peu avant l’heure du déjeuner, à Nawaz Noorbux, journaliste et directeur de l’information de Radio +, la radio n°1 dans l’ile sœur. Un peu le Freedom mauricien, mais avec une différence notable : la radio est dotée d’une véritable rédaction et ce sont souvent ses journalistes qui sortent les scoops politiques.

Et nous avons conclu notre visite avec Bruno Laurette, l’homme politique qui monte à Maurice. C’est lui qui avait réussi à rassembler 300.000 Mauriciens dans les rues de Port Louis au lendemain du naufrage du Wakashio…

Et à peine les micros et caméras rangée, il nous a fallu foncer à Plaisance pour reprendre le dernier avion pour La Réunion.

Deux journées complètement surbookées qui ne nous ont malheureusement pas permis de rencontrer toutes les personnes souhaitées. 

Paul Bérenger que nous avions par exemple sollicité, était totalement indisponible aux créneaux que nous lui avions proposés. Il devait animer un séminaire avec les jeunes du MMM au même moment. Nous avons cependant pu échanger quelques minutes avec Joanna, sa fille. Ce n’est que partie remise.

Nous reviendrons et nous essaierons ce jour-là de rencontrer le Premier ministre Pravind Jugnauth, s’il accepte de nous recevoir bien sûr.

Cette nouvelle visite car il m’apparait plus qu’évident que l’ile Maurice est aujourd’hui à un tournant de son histoire.

De l’avis de tous nos interlocuteurs, l’ile s’enfonce petit à petit dans ce qui s’apparente de plus en plus à une dictature douce. Et avec un Premier ministre, Pravind Jugnauth, qui se rapproche des Indiens, au point que nombreux sont ceux qui l’accusent de vendre son ile au « Grand Frère » indien.

Le tout dans la plus totale opacité.

Il a par exemple autorisé des ingénieurs indiens à espionner le câble Safe, celui-là même qui dessert également La Réunion en internet. C’est rien moins que l’ancien patron de Mauritius Télécom qui était venu révéler le scandale sur les ondes de Radio+. Interrogé le lendemain par la presse, le Premier ministre avait nié tout acte d’espionnage, assurant que ces ingénieurs indiens étaient simplement venus assurer une maintenance que les Mauriciens étaient incapables de faire. Pas de chance, quelques jours plus tard, la même radio publiait un échange par mail entre le responsable de la station de transit du câble Safe et le responsable local de France Télécom, par ailleurs actionnaire du consortium qui gère le câble. Et dans ce mail, ce responsable avouait qu’il y avait bel et bien eu transfert de données. Depuis, le premier ministre refuse de répondre à la presse sur le sujet. Pas plus qu’aux députés…

On pourrait aussi parler de l’autorisation donnée en catimini aux Indiens de construire une base navale militaire sur l’ilot d’Agaléga. Officiellement, la piste d’atterrissage est destinée à aider au développement du tourisme local. Sauf qu’elle est beaucoup trop longue pour un tel usage et qu’elle est comme par hasard conçue pour permettre la venue de gros porteurs militaires. Sans parler des dizaines de bâtiments presque achevés autour que les habitants de l’ile filment à intervalles réguliers et dont ils partagent les vidéos sur les réseaux sociaux. Interrogé au Parlement, le Premier ministre invoque « une clause de confidentialité » du contrat avec les Indiens pour refuser de donner des explications aux députés…

Je pourrais aussi évoquer cette dizaine de vidéos montrant des policiers torturant des personnes avec des matraques électriques, parfois à l’intérieur de commissariats, allant parfois jusqu’à les violer. Bien que leur visage soit apparent, ils n’ont toujours pas été inquiétés plusieurs semaines après…

Mais quelques jours après notre retour, deux points soulevés par nombre de mes interlocuteurs ont particulièrement retenu mon attention. Il y a tout d’abord l’omniprésence de la corruption, qui a toujours existé à Maurice mais qui atteint semble-t-il des proportions inégalées. Et l’importance des trafics de drogue. L’un étant souvent imbriqué dans l’autre. La police, donc plusieurs membres haut placés sont dit-on corrompus, n’arrêtent que les petits trafiquants. Les barons, ceux qui brassent des milliards de roupies, bénéficient d’une étrange impunité. Nombreux sont ceux qui évoquent des protections politiques, en échange de financements des campagnes électorales. Et la boucle est bouclée…

Je reviens donc de ce voyage à Maurice avec un goût amer dans la bouche. Dans l’avion, je me disait que souvent nous nous plaignons de la situation à La Réunion mais que finalement nous n’étions pas si mal lotis que ça.

Comme dit le proverbe, « quand je me regarde je me désole. Quand je me compare, je me console »

Et pendant ce temps-là, des dizaines de milliers de Réunionnais continuent à aller dans l’ile sœur pour profiter de ses plages… sans imaginer la vie que subissent les Mauriciens de l’autre côté des clôtures de leurs hôtels…

Lundi 5 Septembre 2022

Nouveau commentaire :

Règles communautaires

Nous rappelons qu’aucun commentaire profane, raciste, sexiste, homophobe, obscène, relatif à l’intolérance religieuse, à la haine ou comportant des propos incendiaires ne sera toléré. Le droit à la liberté d’expression est important, mais il doit être exercé dans les limites légales de la discussion. Tout commentaire qui ne respecte pas ces critères sera supprimé sans préavis.


LES PLUS LUS EN 24H