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Opinion

[Opinion] Balancy, la tête brûlée


Rédigé par E. Moris le Dimanche 11 Septembre 2022



« Pappy Boyington » reprend du galon ! Cette semaine, sur les perrons du tribunal de la cour de Bambous, Rama Valayden a annoncé que l’ancien chef juge Eddy Balancy agit comme consultant pour le compte du panel d’Akil Bissessur. Bref, il leur donne un coup de main. Bénévolement ? On voit difficilement Eddy Balancy réclamer de l’argent à Valayden et consorts pour quelques conseils. Néanmoins, les hommes de loi, juges ou pas, anciens chef juges ou pas, ne sont pas du genre à cracher sur l’argent… 

Rien n’est gratuit sur Terre ! Surtout pas les remerciements de Rama Valayden. En effet, pourquoi avoir ramené le nom d’un ancien chef juge dans une affaire de drogue ? C’est un message que l’avocat et leading counsel du panel d’avocats d’Akil Bissessur a voulu faire transmettre. Surtout que l’ancien chef juge n’est pas connu pour porter la police dans son cœur. Il n’y a qu’à voir certaines piques qu’il a lancées durant sa longue carrière à l’encontre de la police. De plus, Eddy Balancy était le seul juge, puis chef juge à avoir eu des accrochages avec des policiers. 

En avril 2019, alors no 1 du judiciaire, il avait dénoncé « l’incompétence » de la police de Rose-Hill. Cela, après qu’il ait porté plainte contre un chauffeur d’autobus qui, selon ses dires, aurait tenté de le tuer. Eddy Balancy avait conduit son chauffeur à l’arrêt et il a demandé au chauffeur d’autobus, le dernier sur la ligne, de ne pas démarrer. Mais le chauffeur ne s’est pas exécuté. Il aurait foncé sur le chef juge. C’est ce que ce dernier a déclaré. Eddy Balancy, qui a noté le numéro, s’est rendu au poste. Mais il a dû attendre 45 minutes pour qu’un haut gradé se pointe. Las de patienter, il aurait appelé le commissaire de police pour lui faire des reproches sur sa gestion. Quelques années avant, alors qu’il n’était que juge, Eddy Balancy avait eu un accrochage avec un policier sur la route. 

Beaucoup ne mettraient pas en doute les paroles d’un juge ou d’un chef juge. Mais pas nous à Zinfos Moris. Connaissant le caractère poule mouillée des policiers, surtout en face du pouvoir, on arrive à croire que des êtres en uniforme, dépourvus de colonne vertébrale, tiendraient tête à Balancy.  N’oublions pas non plus que la police, à travers son représentant, alors Principal State Counsel, avait demandé à deux reprises au chef juge Balancy de se récuser d’une motion de l’avocate Lovena Sowkhee concernant la liberté des hommes de loi de se déplacer en plein confinement. Par deux fois, l’avocat de la police a demandé à Eddy Balancy de se récuser. Cela, pour « parti pris apparent » et « non- respect » des règlements. Car apparemment, Balancy aurait tenu des propos sur la manière dont le couvre-feu avait été rédigé. L’affaire risquait de prendre une telle ampleur que le gouvernement, qui ne supporte pas Eddy Balancy, a trouvé une astuce pour déminer la bombe. Les avocats ont eu le droit de circuler. 
Mais ce n’est pas pour autant que les relations entre Balancy et le gouvernement se sont améliorées.

Eddy Balancy est l’un des rares chefs juges à qui un gouvernement a refusé, en 2019, d’accorder quelques jours supplémentaires en poste afin de terminer la rédaction des jugements sur des affaires qu’il a écoutées. D’ailleurs, il faut savoir que le gouvernement aurait souhaité ne pas voir Eddy Balancy devenir no 1 du judiciaire. Lorsque Keshoe Parsad Matadeen, le juge qui avait trouvé Pravind Jugnauth non coupable dans l’affaire Medpoint, était devenu chef juge, il y a eu un flottement de quelques jours avant qu’Eddy Balancy ne soit nommé Senior Puisne Judge, c’est-à-dire reconnu comme no 2. Le gouvernement a hésité. Il a fallu que Matadeen jette tout son poids dans la bataille pour que Balancy soit nommé. L’accolade entre les deux hommes par la suite, qui s’appelaient « mon frère », valait mille mots. 

On peut comprendre le message qu’a voulu faire passer Rama Valayden. Maintenant, est-ce que l’ancien chef juge Eddy Balancy voulait revenir sur les devants de la scène de cette façon, dans le cadre d’une affaire de drogue synthétique ? On peut en douter. Rappelons qu’un ancien juge, donc chef juge aussi, a une pension énorme pour qu’il ne pratique pas de nouveau. C’est pourquoi nos anciens chefs juges peuvent prendre de l’emploi à la cour d’appel des Seychelles ou alors agir comme consultants. Mais revenir dans l’arène légale pour une affaire de drogue synthétique…

Dimanche 11 Septembre 2022


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