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Société

[Média] Nawaz Noorbux : son envie de punir et d’humilier Harish Chundunsing


Rédigé par E. Moris le Lundi 14 Janvier 2019

Pathétiques, dénués de sens, si tout ça n’a pas été fait avec un esprit tordu, les événements survenus après que Nawaz Noorbux a porté plainte à la police contre Harish Chundunsing pour des propos que ce dernier a tenus sur son compte Facebook.



Personne ne se souvient d’un cas similaire par le passé, un journaliste portant plainte à la police. 

Outre, peut-être, la fois où le Défi Media Group, au sein duquel Nawaz Noorbux exerce des responsabilités importantes, avait porté plainte contre le journal l’express. Cette fois-là il était question de la publication d’une capture d’écran d’un message WhatsApp où Hussein Abdool Rahim disait que Radio Plus lui aurait proposé de l’argent afin d’obtenir des informations dans l’affaire Bet365.  

C’est dire combien les réseaux sociaux ont inauguré une nouvelle ère de relations entre d’abord les journalistes entre eux, puis entre les journalistes et leurs informateurs et surtout entre les journalistes et les citoyens. 

La plainte de Nawaz Noorbux interpelle, car c’est une première depuis la modification de l’ICT Act, loi nouvelle qui prévoit jusqu’à 10 ans de prison pour sanctionner des agissements répréhensibles sur les réseaux sociaux, vivement critiquée, depuis sa promulgation comme étant liberticide, par toutes les sphères de la société, y compris les gens des médias. 

L’action de ce journaliste permet de porter un éclairage sur plusieurs éléments de cette affaire : la façon dont Nawaz Noorbux réclame réparation d’un préjudice éventuel, le rôle de la police, les propos d’Harish Chundunsing et un face-à-face inédit entre un journaliste et un ancien journaliste. 

Sur la réparation d’un préjudice : 

Nawaz Noorbux estime que les propos d’Harish Chundunsing lui ont causé préjudice. Un préjudice n’est pas évident à prouver devant le juge, à moins d’être Raj Dayal, qui peut obtenir des millions avant même l’ouverture du procès, voire un membre de la famille (nébuleuse ?) Jugnauth qui s’y connaît bien en dommages et intérêts. Le préjudice est un terme juridique dont la définition échappe même à de nombreux juristes. Simplement, le préjudice n’est pas juste un dommage, ça va plus loin, c’est comme un «mauvais rêve». 

Imaginons la scène suivante, fantaisiste, pour mieux comprendre. 

Nawaz Noorbux est confortablement dans son canapé à prendre un thé, devant un très mauvais match de Manchester United. À la mi-temps, il décide, pour oublier les ratés de Paul Pogba, d’aller faire un tour sur Facebook. C’est là qu’il apprend qu’Harish Chundunsing, lui aussi un inconditionnel de l’équipe d’Old Trafford, l’a qualifié sur Facebook de «journaliste-éboueur» et de «hadjee moofta», tout en remettant en cause sa compétence de donner des conférences aux collégiens sur l’intelligence artificielle. 

Nawaz Noorbux estime alors que sa situation a changé. Depuis le moment où il était assis à regarder le match et le moment où il a appris les propos d’Harish Chundunsing. Que ces propos aient changé sa situation (son image et sa réputation ont été salies, entre autres), et qu’il faut réparer tout ça, faire comme si ces propos n’auraient jamais existé, comme si c’était un «mauvais rêve». Et c’est là qu’il décide de demander réparation du préjudice, qui est à ce stade éventuel, hypothétique, puisque c’est ce que lui il reproche, c’est son ressentiment. 

De quelle façon réparer ce préjudice ? Dans la majorité des cas similaires, la personne qui se dit victime d’un préjudice engage la responsabilité civile délictuelle de l’auteur du préjudice en lui réclamant des dommages et intérêts. Une somme d’argent qui pourra faire oublier ce «mauvais rêve». Puis, il y a très peu de cas où la responsabilité pénale est recherchée. 

Nawaz Noorbux a choisi d’engager la responsabilité pénale d’Harish Chundunsing en portant plainte à la police en vertu de l’article 46 de l’ICT Act. Pourquoi avoir recours à la responsabilité pénale et non à la responsabilité civile délictuelle ? Certes, c’est son droit, mais il convient de porter un éclairage sur les réelles intentions de Nawaz Noorbux : 

1. Il se dit victime d’un préjudice, d’un préjudice personnel, mais en engageant la responsabilité pénale il implique qu’Harish Chundunsing est un danger pour la société, qu’il faut protéger la société d’une personne comme Harish Chundunsing. Alors que la responsabilité délictuelle tend principalement à assurer la réparation de préjudices, la responsabilité pénale tend, elle, à réprimer des comportements dangereux pour la société. Il veut ainsi qu’Harish Chundunsing soit puni. 

2. Nawaz Noorbux, s’il avait engagé la responsabilité civile d’Harish Chundunsing, aura alors à prouver lui-même le préjudice, à rassembler lui-même tous les éléments en sa faveur. Visiblement, il ne peut le faire, et c’est pourquoi il a porté plainte à la police qui, elle, pourra mener l’enquête et constituer un dossier à charge contre Harish Chundunsing. Quels éléments ? Notamment des détails sur le billet d’avion reçu gratuitement par Nawaz Noorbux dans le cadre de son pèlerinage. 

Sur le rôle de la police : 

Il n’y a aucune cohérence dans la façon de faire de la police. Souvent, elle procède à l’arrestation après une simple déposition. Ou l’inculpation provisoire après enquête et déposition des us et des autres. Ou elle arrête et libère sur parole avant l’inculpation provisoire le lendemain. Ou, plus rare, elle n’ouvre jamais d’enquête après une déposition, comme celle de Roshi Bhadain contre Gérard Sanspeur. Parfois, encore, elle envoie le dossier à charge au bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP) pour un avis sur la marche à suivre. C’est la raison pour laquelle beaucoup d’avocats réclament un Code de procédure pénale digne d’une démocratie moderne et qu’on en finisse avec l’inculpation provisoire. 

Après l’audition d’Harish Chundunsing, deux éléments graves méritent d’être soulignés : 

1. La police l’a confronté avec la déposition d’un préposé du Centre culturel islamique qui, dans une déposition, a expliqué les conditions dans lesquelles Nawaz Noorbux a obtenu gratuitement le billet d’avion. 

2. La police lui a prélevé ses empreintes digitales comme un vulgaire criminel. Dans les deux cas, dans les plus grandes démocraties modernes, la police n’a pas le droit de procéder ainsi.  

Ce n’est qu’après avoir été mis en examen qu’un prévenu peut avoir accès aux éléments du dossier à charge et se voir prélever ses empreintes digitales. Ce qui n’est pas le cas, Harish Chundunsing n’ayant pas été inculpé jusqu’ici. En l’état actuel des choses, il ne bénéficie donc pas de la présomption d’innocence, un droit constitutionnel qui naît au moment où le prévenu est inculpé devant la justice. 

À ce stade, l’audition d’Harish Chundunsing aux casernes centrales relève plus d’une tentative d’intimidation, voire d’humiliation, que d’une procédure pénale. Et c’est la voie choisie par Nawaz Noorbux. 

Sur les propos d’Harish Chundunsing : 

Si Nawaz Noorbux voulait protéger tant que ça son fils de 9 ans, il n’aurait pas dû publier une telle photo sur son compte Facebook, ni ses sorties à la mer où on le voit en slip sur la plage. Il le fait pour son image personnelle, pour embellir son image de père de famille. Comme les politiciens. Mais quand les gens en parlent et en rigolent, il sort la carte de la vie privée. Comme les politiciens de bas espèce. Qu’il le veuille ou non, il a fait le choix d’être un homme public et devra en assumer les conséquences. 

Il a aussi fait le choix de donner des conférences sur l’intelligence artificielle. Des conférences couvertes par les différentes rédactions du Défi Media Group. Que ce soit le collégien qui assiste à ces conférences, ou n’importe quel citoyen, et surtout les journalistes, ils sont en droit de se poser la question de la compétence de Nawaz Noorbux à dispenser de telles conférences sur un tel sujet scientifique. Maîtrise-t-il cette science ? Pourquoi le fait-il ? Il ne le fait pas «anba laboutik» au n° 15, circonscription où il a élu domicile, mais bien dans un collège d’Etat. 

Se poser ces questions-là c’est le b.a.-ba du journalisme, de se demander les cinq W : «Who, What, Where, When, Why ?», ou «Who did what, where and when, and why», c'est-à-dire «qui a fait quoi, où, quand et pourquoi ?» 

Pour quelqu’un qui donne des conférences sur l’intelligence artificielle, il convient de lui rappeler l’épisode où il avait balancé le nom de son informateur en direct à la radio, qui est condamnable et contraire à l’éthique. Suite à une information diffusée par Radio Plus, Navin Ramgoolam, alors Premier ministre, s’était offusqué qu’une telle information ait pu fuiter dans les médias. L’information concernait des éléments discutés lors d’un comité parlementaire et qui devaient rester confidentiels. 

Et c’est là où Nawaz Noorbux est venu à l’antenne pour donner le nom de celui qui lui a donné cette information, à savoir Jean François Ecroignard, alors l’attaché de presse de l’Attorney General Rama Valayden, qui avait été licencié par la suite. 

Une telle pratique journaliste inconcevable peut être considérée comme «une disgrâce pour le journalisme», aux termes utilisés par Harish Chundunsing sur Facebook. 

Sur ce face-à-face inédit : 

Un face-à-face inédit, certes, mais un face-à-face déséquilibré. D’une part, il y a un ancien journaliste dont les propos touchent autour de 1 700 amis sur son compte Facebook. D’autre part, il y a un journaliste, directeur de l’information de Radio Plus, plus influente radio de l’île Maurice et locomotive du Défi Media Group, lui-même plus important média de l’île, voire de cette région india-océanique. Quand le Défi publie un article sur Harish Chundunsing, l’article touche plus de 370 000 personnes sur leur page Facebook. La pénétration sur internet de quelques posts lapidaires n’est rien face à la force de frappe du Défi Media Group. 

Harish Chundunsing, un nom qui ne dit peut-être rien à la jeune génération. Ancien journaliste ayant débuté au bas de l’échelle sociale depuis son village de Morcellement Saint-André, il a occupé des postes importants dans plusieurs grandes rédactions de l’île Maurice. Fondateur du quotidien Tribune, rédacteur en chef de l’express et rédacteur en chef adjoint de L’Heddo et du Matinal. Sa voix grave et son corps imposant, toujours tiré à quatre épingles, ont forgé le caractère de plusieurs générations de journalistes.  

Il a imposé le respect de par sa maîtrise de tous les dossiers et son carnet d’adresse impressionnant. Il pouvait ne pas faire l’effort d’aller trouver le numéro des informateurs, ce sont ces derniers qui voulaient être dans le carnet d’adresse d’Harish Chundunsing. Sans oublier ses nombreuses enquêtes, de Raj Dayal à l’affaire MCB-NPF, en passant par l’article qui allait faire perdre son siège de député à Ashock Jugnauth. La liste est tellement longue. 

Pour ceux qui connaissent la maison Défi, personne ne bouge, ni n’écrit, encore moins ne porte plainte à la police sans le feu vert du Colonel. Aucun média n’a parlé de la déposition de Nawaz Noorbux qui, selon le Défi, remonte à la fin de l’année. Dans un premier temps, aucun média n’a parlé de l’interpellation d’Harish Chundunsing. Le premier a été l’express qui n’a pas cru bon de mentionner le nom de celui qui a porté plainte : «Il est à noter que c’est un homme des médias, jugé proche du pouvoir, qui est à l’origine de l’interpellation, cette semaine, de l’ancien journaliste de l’express (Harish Chundunsing, ndlr).» 

Au fil de ses prises de position sur Facebook, Harish Chundunsing est devenu le fer de lance des intellectuels ou anciens journalistes qui non seulement donnent leurs opinions sur l’action des dirigeants politiques mais aussi sur la manière dont les journalistes traitent des sujets d’actualité. Parce qu’ils connaissent la fabrique de l’information, ils savent comment certains sont proches des politiciens, comment les journalistes entre eux s’entendent pour révéler ou cacher certaines informations. 

Ces simples internautes savent quels journalistes fréquentent quels politiciens, qui vont mendier des tickets pour les prochaines législatives, qui couchent avec qui contre des informations, comment dans le bureau d’un ministre très en vue le vendredi soir des journalistes et des conseillers politiques se retrouvent pour faire la fête et où l’alcool coule à flots. Comment un animateur radio très connu, qui aime bien voyager, va acheter à crédit énormément de billets d’avion avec plusieurs agences de voyages et, au final, ne rembourse jamais. 

On réclame souvent une certaine remise en question dans certains corps de métier, notamment chez les policiers ou tout récemment chez les avocats. La face cachée de certains journalistes, ces prétendument gardiens de la démocratie, doit être mise au jour, car il y va de l’intérêt général ! 

Ashok Radhakissoon, avocat du Défi Media Group dans plusieurs procès, avait été interrogé par le Défi en marge de la nouvelle ICT Act. Il estime que les termes «likely to cause fear» ou «for the purpose to cause inconvenience, annoyance, needless for anxiety» manquent de clarté : «Cette loi est un vrai fourre-tout. La section 46 de cette loi est dangereuse. Cela causera des problèmes aux internautes, car quelle est la limite de l’interprétation d’un terme ?» 

L’avocat du Défi revient sur l’affaire Singhal : «On avait arrêté cette fille en Inde suite à des commentaires sur le net et elle avait contesté la clause 46. La Cour suprême indienne avait dit ceci : «(…) This section of the law suffers from the vice of vagueness and can’t be defined in the case». Nous qui glorifions sans cesse Mother India, suivons son exemple.» 

Avant de dire : «Il ne faut pas brimer la liberté d’expression et intimider».

Lundi 14 Janvier 2019

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