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Société

Le voyeurisme numérique dans les médias, une télé-réalité qui va trop loin


Rédigé par E. Moris le Lundi 24 Février 2020



On ne compte plus les morts sur nos routes, même si le compteur affole de plus en plus les mauriciens. 

Les faits divers sont glaçants : "Fauché par une voiture", "écrasé sous les roues d'un autobus", "brûlé à bord de son volant"...piétons, automobilistes, en moto ou en vélo, et même sous les rails d'un tram, c'est désormais en partie la vie au quotidien. Chaque jour défile, des familles épris de douleur et de souffrance qui cherchent à faire le deuil dans le recueillement. Mais c'est sans compter, quelques médias qui flairent l'odeur du sang, à l'affût de l'article qui fera du clic à tout prix.

On a tous vu cette Une de nos confrères qui prévient "Nous avons masqué cette photo pour que vous décidiez de la voir ou pas" ou encore le direct d'un journaliste sur le terrain qui n'a pas hésité à suivre le corps de la victime dans un sac en plastique qui devait être amené à la morgue, bafouillant des banalités mais tenant son audience au-delà de la décence et de l'éthique.

Nous n'allons pas vous mentir, nous avons eu honte pour notre métier, honte pour nos confrères et honte de nous taire.

Certains en ont fait leurs fonds de commerce le week-end. La photo des victimes en Une avec en supplément, l'étalage de leur vie privée. La famille aura droit avec une certaine "condescendance" selon le cahier des charges de la rédaction, de "témoigner"  face caméra avec la dose de larmes et de détresse dans les yeux. Même angle, même approche, ce ne sont que les visages qui défilent semaine après semaine avec un choix éditorial assumé ou revendiqué.

Dans le feu de l'impudeur moderne consistant à dévoiler la mort de quelqu'un dans une situation dramatique, transformant l'individu en spectacle, c'est l'escalade du "toujours plus", toujours plus d'images, toujours plus de témoignages. 

Plus aucune retenue n'est observée. Sur fond de concurrence, c'est à qui ira le plus loin, à qui sera le premier. Les médias se donnent comme alibi que les spectateurs ont un petit penchant pour le voyeurisme et en demandent toujours plus. La vérité est primaire, elle fait vendre. 

Le droit à l'information est inaliénable, mais faut-il pour autant exhiber toute cette souffrance qui relève après tout de l'intime.

Doit-on tout montrer, à n'importe quelle heure et à n'importe quel public. Le débat sur les limites au devoir d'informer est difficile, il n'y a pas que le scoop comme référence. 

Si nous nous devons d'être honnêtes, les grands médias ne sont pas les seuls responsables de ce voyeurisme-là, à l’heure où chaque individu devient potentiellement producteur d’information, les médias sont concurrencés par les réseaux sociaux sur lesquels les événements circulent en temps réel. 

Ce voyeurisme numérique ne serait pas possible sans l’exhibition dans notre vie au quotidien de nos activités. Le succès de Facebook, Instagram ou autres réseaux sociaux est indéniable. Pour autant, quand nous voyons circuler les photos ou vidéos des cadavres carbonisés dans une voiture, un enfant percuté par une voiture dans un état de mort cérébral, un homme qui rend son dernier souffle sous les roues d'un autobus ou du tram et autres...

Même nous, journalistes, qui sommes pourtant aguerris, avons un haut le coeur. C'est trop ! Et si  nous aussi, devenons un jour, victimes malgré nous de ce voyeurisme là...?

Lundi 24 Février 2020

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